Rabat, Le 30 décembre 2023
Les secrets. Nous en avons tous. Certains d'entre nous parviennent à vivre toute une vie sans les révéler. D'autres, ne sont pas aussi chanceux. Alors que les tensions entre les frères Azuelos s'intensifient, de nombreux documents intéressants refont surface, car la bataille pour la domination, le pouvoir et l'argent est à son comble au sein de cette famille qui contrôle le géant de la joaillerie, la marque Azuelos.
Pour vraiment comprendre qui est Serge Azuelos, plongeons dans son passé. La chose intéressante à propos du passé, c'est que même lorsque vous pensez qu'il est déjà derrière vous, il peut revenir vous hanter.
Rosette Azuelos, sa mère, était issue d'une famille nombreuse et modeste résidant dans le Mellah, le quartier juif de Rabat. Elle prétendait être institutrice, bien que sa maîtrise du français fût limitée, et son langage, vulgaire. Son père, Messod Benharros, exerçait humblement la fonction de facteur au Mellah, mais il succomba à l'alcoolisme, emporté par une cirrhose du foie.
Serge obtint son baccalauréat en 1974 après avoir dû redoubler deux classes. Il entama ensuite des études à la Faculté de Strasbourg, initialement en Sciences Économiques. Malheureusement, sa grande timidité le conduisit à échouer à l'examen oral de fin de première année, incapable de s'exprimer devant le jury.
Le 26 août 1975, Serge Azuelos convola en justes noces avec Agnès Feuillas, une Française non-juive, à la synagogue de Kenitra. Cependant, il ne s'agissait que d'une cérémonie intime, loin des fastes des mariages juifs réunissant des centaines de convives, avec orchestre, banquets et robes de soirée. Une discrétion nécessaire, semble-t-il, car Serge avait épousé une "goya" (une non-juive), suscitant ainsi des regards désapprobateurs parmi les R’batis [habitants de Rabat].
Serge et son épouse, Agnès, ouvrirent ensuite un cabinet dentaire dans le 15e arrondissement de Paris. Avec la montée en puissance du sida, Serge adopta des précautions extrêmes, portant trois paires de gants et deux masques pendant son travail, devenant presque obsessionnel et hypocondriaque.
Cependant, son intérêt pour la médecine commença à s'estomper lorsqu'il réalisa que "gagner des millions est plus motivant que soigner des patients pour quelques dizaines de francs". En conséquence, en 1990, il prit la décision de vendre son cabinet dentaire pour s'installer au Maroc avec sa femme.
Dès son arrivée au Maroc, Serge réadopta tous les codes de son pays d'origine, donnant la priorité à l'argent plutôt qu'à l'amour ou à la famille. Il affichait une double personnalité, se comportant normalement en France, mais se révélant méchant et vulgaire envers sa femme et même sa propre mère dès qu'il mettait le pied au Maroc, suivant ainsi les traces de son père.
Les beaux-parents d'Agnès la traitaient de "goya", un terme qui prit une connotation péjorative venant de leur bouche. Face à une telle cruauté gratuite de la part de son mari et de ses beaux-parents, Agnès se retrouva impuissante. Après une tentative de suicide et une hospitalisation de huit jours sans visite de Serge, elle réalisa que son mari cherchait à la rendre folle ou à la discréditer.
En mars 2003, après 28 ans de vie commune, Serge et Agnès divorcèrent. Cependant, Serge avait pris soin de transférer tous les comptes privés et professionnels au nom de sa mère et de son frère Patrick avant cela. Avant le divorce, Agnès se rendit à la banque pour retirer de l'argent, mais on lui annonça que son compte avait été fermé sans son consentement.
Au moment Go to the website du divorce, Serge Azuelos informa succinctement sa femme : "J'ai vendu toutes mes parts à mon frère, je n'ai plus rien, inutile de venir me réclamer quoique ce soit !" Devant cette situation, démunie, Agnès quitta le Maroc, laissant les enfants avec leur père, car elle était dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins.
De retour à Paris, sans aucune assistance financière, Agnès Feuillas se retrouva contrainte de vivre dans une chambre de bonne de 9 mètres carrés.
En colère, frustrée et désespérée, elle fait la seule chose qui lui reste à faire. Elle raconte son histoire. Et , encouragée par son beau-frère M. Patrick, Agnès Feuillas publie enfin son livre intitulé "La Colère de Sarah".
À présent que l'ouvrage a fuité, il est impératif d'explorer plus en profondeur cette intrigue. Qui aurait bien pu avoir intérêt à dévoiler son contenu ? Il semble que le coupable ne soit autre que l'homme à qui, à une époque où les relations étaient bien plus harmonieuses, Serge avait vendu toutes ses parts, son propre frère, M. Patrick Azuelos.
Il est des plus étonnants de constater que ce n'est pas la première fois que Patrick tente de porter ce livre à la connaissance du public. Par le passé, il est même allé jusqu'à faire poser des affiches, sans doute animé par la colère, divulguant ainsi le contenu du livre ainsi que sa source. Cette escalade ne fait que s'inscrire davantage dans le conflit opposant les deux frères. Une chose est indiscutable : la tension entre eux ne peut que s'accroître dans un futur proche.
Véronique Bellefeuille
Journaliste d’investigation